Les annonces d'Alain Vidalies sur le devenir des TET étaient attendues par les territoires pour connaître le devenir des liaisons et par les industriels pour savoir dans quelle proportion allait être garni le carnet de commandes. La trajectoire définie par le Secrétaire d'Etat se résume ainsi :
- lancement d'un appel d'offres pour 3 liaisons nationales : Paris - Clermont-Ferrand, Paris - Toulouse et Bordeaux - Marseille ;
- commande de 30 Coradia Liner en plus des 34 déjà notifiés : il s'agirait notamment d'octroyer un peu plus de matériel aux axes Paris - Boulogne et Paris - Belfort pour lesquels l'Etat consentirait à maintenir une offre plus consistante que celle proposée par la SNCF, et de réintégrer les besoins sur l'axe Toulouse - Hendaye qui échapperait à la mise sur route proposée par la Commission Avenir des TET ;
- transfert au TER des liaisons normandes ;
- réduction du périmètre des trains de nuit exploités par la SNCF et ouverture du marché.
Normandie : l'Etat reprend la main
A l'issue d'une rencontre hier entre Hervé Morin, Président de la Région Normandie, et Alain Vidalies, Secrétaire d'Etat aux Transports, l'Etat s'est engagéà financer à hauteur de 600 à 700 M€ le renouvellement du matériel roulant sur les axes Paris - Cherbourg et Paris - Le Havre. En contrepartie, la Région Normandie devient autorité organisatrice de ces dessertes qui sortent du giron de l'Etat. La Région devra donc supporter le déficit d'exploitation de ces liaisons, qui est cependant inférieur à celui des TER. Statistiquement, le taux de couverture des charges par les recettes devrait augmenter. Une mesure qui peut aussi donner le champ libre à la Région en matière tarifaire et dans la construction de l'offre.
C'est aussi pour ces lignes une planche de salut qui devrait leur permettre d'éviter une réduction massive de l'offre (de l'ordre de 50% sur Paris - Le Havre et de 60% sur Paris - Cherbourg), telle que préconisée par la SNCF lors de son audition devant la Commission Avenir des TET.
La Région Normandie souhaite disposer de matériel neuf d'ici 2020, ce qui écarte le recours à un appel d'offres. Comme déjàévoqué dans nos différents articles et dossiers (schéma directeur TET, projet LNPN) sur l'axe Paris - Normandie, le recours à la plateforme Omneo Premium développée par Bombardier en adaptant le Régio2N aux besoins des liaisons longues distances est le seul moyen de concilier rapidité de livraison, adéquation de la capacité de transport et maîtrise du coût d'investissement. Evidemment, Alstom grincera des dents... mais le "champion national" peut-il produire un matériel livrable d'ici 2020 offrant environ 500 places sur 150 m ?
Reste à savoir si les axes Paris - Granville et Caen - Tours feront partie de ce transfert, ce qui semble souhaitable. Pour le premier, le matériel a déjàété payé par la Région, qui finance aussi largement le renouvellement de l'infrastructure. Pour le second, il ne s'agit que d'un seul aller-retour qui peut aisément s'intégrer à coût très limité dans une recomposition de la desserte.
D'autres Régions suivront-elles la Normandie ? La Picardie, pour Paris - Amiens - Boulogne et Paris - Saint Quentin - Maubeuge, est dans le même cas avec une forte imbrication TER-TET ? Le Centre avec les liaisons Paris - Tours et Paris - Bourges ?
Trains de nuit : la voie de l'ouverture
A compter du 1er juillet prochain, ne subsisteront sous le logo SNCF que les liaisons Paris - Rodez, Paris - La Tour de Carol et Paris - Briançon. Les autres trains de nuit (Saint Gervais, Bourg Saint Maurice, Nice, Cerbère, Hendaye et le Lorazur) seront supprimés. En revanche, l'appel à manifestation d'intérêt pour les autres liaisons est confirmé. Le gouvernement s'orienterait non pas vers une délégation de service public, mais sur une libéralisation totale en "open access" aux risques et périls des transporteurs, situation actuelle de Thello sur Paris - Venise, ou des exploitants d'autocars. En ce sens, le gouvernement suit, prudemment, les recommandations de la commission Avenir des TET.
Ceci pourrait donner du crédit aux informations sur l'arrivée prochaine des chemins de fer russes sur la liaison Paris - Nice surtout après l'essai, discret, d'une voiture RZD. Les Alpes sont la première destination mondiale pour les sports d'hiver (La Plagne est la première station du monde, accessible en train depuis la gare d'Aime - La Plagne par la ligne de Bourg Saint Maurice) et les plages françaises sont elles aussi bien lôties : autant dire un trafic potentiel considérable à condition de repenser le produit.
Bilan : on a - peut-être ? - échappé au pire, mais 'aurait dû faire mieux"
Au plan industriel, Alstom est conforté avec une commande à court terme de Coradia Liner.Cependant, le communiqué de presse est quelque peu évasif sur l'utilisation de ces rames, renvoyant à des modalités de discussion avec les Régions. En clair, l'Etat aimerait bien que la "solution normande" fasse école, mais le niveau de déficit n'est pas forcément le même.
Concernant la Normandie, il semble de plus en plus probable que Bombardier obtiendra une commande d'environ 60 Omneo Premium pour remplacer les 300 voitures Corail formant 30 rames de 10 voitures. Reste à définir le sort du petit parc de rames V2N et VO2N, ainsi que l'usage assez diversifié des TER2Nng sur Paris - Le Havre pour consolider le nombre de rames. Ce qui donnerait un jeu à peu près égal entre Alstom et Bombardier.
Quant aux 3 grandes liaisons (POLT, Paris - Clermont et transversale sud), le jeu est plus ouvert puisque la plupart des constructeurs européens ont les bases d'un train de 200 m de long avec une capacité de 400 à 480 places apte à 249 km/h. Alstom aurait préféré qu'on se limite à 200 km/h pour placer une évolution du Coradia Liner, mais la formule était juridiquement fragile.
Pour les trains de nuit, la porte n'est pas totalement fermée. Il est assez regrettable de supprimer les trains avant que d'autres ne se soient prononcés pour une reprise. De façon un peu cynique, on peut dire que la SNCF garde les cas les plus difficiles et que l'open acces concernera les liaisons sur lesquelles le marché pourrait encore réagir face à une offre repensée et repositionnée en matière de prix et de services.
Enfin, les dessertes du bassin parisien vers la Picardie et le Val de Loire ne sont pas évoquées alors qu'elles ont le même problème de pérennité du matériel roulant. Bref, le feuilleton continue !