Dans son allocution radio-télévisée hier soir, le Président de la République a annoncé qu'un plan de relance de l'activitééconomique serait mis en oeuvre pour soutenir l'activité et l'emploi après la propagation du coronavirus, combinée à un regain de tension pétrolière entre les pays du Moyen Orient et la Russie. Les places boursières se sont effondrées, l'économie est lourdement impactée, la vie quotidienne le devient à son tour. Cette secousse qui se révèle d'une violence d'autant plus intense qu'elle mélange un phénomène sanitaire, des enjeux géo-stratégiques et les conséquences d'hyper-dépendances tant énergétiques qu'industrielles.
Il est évidemment trop tôt pour définir le contenu de ce plan de relance mais il y a fort à penser qu'il va falloir agir à grande échelle pour encaisser les conséquences de cette crise inédite. Sans modération ne veut pas dire sans intelligence.
La rénovation du réseau ferroviaire français pourrait ici trouver une opportunité inattendue. Plus que jamais, le chemin de fer semble cocher pas mal de cases dans ce qui devrait constituer la matrice d'évaluation des actions d'un tel plan de relance :
- on peut produire des rails, des traverses et du ballast, du matériel roulant en France et en Europe ;
- il s'agit d'une industrie non délocalisable : non seulement les matières premières sont locales (France / Europe) mais elles seront utilisées en France par des salariés d'entreprises françaises (la SNCF en tête de file, mais aussi toutes les entreprises de la filière qui travaillent déjà pour elle) ;
- c'est un levier de réduction de transition énergétique pour réduire la consommation d'énergies fossiles non seulement pour les voyageurs mais aussi pour les marchandises ;
- c'est un puissant outil de connexion entre les territoires à plusieurs échelles, au sein des grandes métropoles, entre elles, avec les territoires moins denses et entre ces derniers, redonnant ses lettres de noblesse à un aménagement du territoire trop négligé depuis au moins 25 ans.
Reste un point délicat, et non des moindres : nombre de composants mécaniques, électriques et électroniques sont aujourd'hui tributaires de sites de production en Asie, pour des raisons économiques et financières. Se pose donc, à l'échelle européenne, la question d'une ré-industrialisation du continent de sorte à ne pas dépendre uniquement de fournisseurs concentrés. On a plusieurs fois entendu parler d'un Airbus du rail pour évoquer la fusion d'Alstom, tantôt avec Siemens tantôt avec Bombardier : il serait probablement plus porteur d'envisager un projet européen sur la signalisation ferroviaire avec ERTMS en tête d'affiche.
Voilà néanmoins qui devrait en principe donner de sérieux arguments à l'augmentation des moyens alloués au réseau ferroviaire non seulement pour préserver sa consistance mais aussi pour le moderniser et en faire réellement la colonne vertébrale de l'organisation des transports sur le territoire. Entre le réseau structurant, avec un déficit annuel d'au moins 500 M€ par an (d'après l'audit actualisé en 2018) et les lignes de desserte fine du territoire, nécessitant au moins 700 M€ par an (confirmés par la mission du préfet Philizot), un investissement sur ces deux postes totalisant entre 1,2 et 1,5 MM€ par an resterait relativement modeste mais aurait des retombées économiques significatives si elles étaient accompagnées de mesures favorables au report modal. Evidemment, avec l'effondrement du baril de pétrole, la concurrence est rude... mais on sait que cette situation demeure conjoncturelle.
Enfin, certains pourront voir, non sans quelques bonnes raisons, l'opportunité d'accélérer certains projets qui font plutôt consensus. On pensera àLNPN, du moins les sections francilienne et rouennaise, à la LGV Bordeaux - Toulouse, àLNPCA et peut-être à une partie de LNMP sur l'arc languedocien.
Mais le ferroviaire sera-t-il reconnu à sa juste place dans ce futur plan de relance ?