Le 22 septembre 1981, le Président de la République inaugurait la grande vitesse ferroviaire française avec la première section de la LGV Paris – Lyon et les rames TGV Sud-Est. C’était probablement l’événement ferroviaire le plus marquant de l’histoire de la technique ferroviaire en France depuis l’après-guerre. Il ne s’agissait pas de créer un nouveau train, mais bien de créer un couple entre une infrastructure et un matériel roulant, mais sans pour autant aboutir à un isolat, comme ne l’était le projet de l’aérotrain, ou comme l’est le Shinkansen japonais (à l’écartement standard des rails contrairement au réseau historique). Cette capacitéà diffuser les effets de la grande vitesse au-delà des infrastructures nouvelles allait faire sa force et sa réussite.
Lyon Perrache - 27 septembre 1981 - Premier jour de circulation commerciale. La rame 13 se met à quai avant de remonter à Paris, en 2h40 et à 260 km/h. Outre la vitesse, c'est bien l'allure totalement nouvelle de ce train qui suscita la curiosité... et contribua au succès commercial du TGV. © D. Simon
L’autre atout de la grande vitesse ferroviaire française résidait dans l’addition d’une série de progrès dans la traction, l’alimentation électrique, la signalisation, sur un ensemble voie-plateforme très – et peut-être trop ? – classique. Bref, vraiment du « train à grande vitesse », tirant le meilleur profit de l’expertise ferroviaire accumulée depuis les années 1950.
L’allure du TGV, ce train pas comme les autres, allait aussi faire sa notoriété, avec cette livrée orange, symbole de la puissance d’un train « dans son temps ».
La réussite technique est évidemment indiscutable, au même niveau qu’un autre projet lancé un peu plus tôt : la fusée Ariane. Si la grande vitesse a été ensuite développée en Europe (Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni) et bien évidemment au Japon, la Chine est aujourd’hui loin devant avec plus de 38 000 km de lignes aptes à la grande vitesse. La Corée du Sud et le Maroc restent à ce jour les seuls cas d’exportation hors du continent européen du TGV français.
Aujourd’hui, le « toujours plus vite » a cédé la place à d’autres attentes économiques et énergétiques. Déjà, la rame Duplex avait réussi le tour de force d’augmenter la capacité d’emport tout en restant dans la limite des 17 tonnes à l’essieu. Désormais, il faut aller encore plus loin dans l’optimisation : c’est un des enjeux de la nouvelle génération de rames, qui arrivera à partir de 2024, plus capacitaire, plus modulaire et surtout plus économe en énergie.
Villeneuve Saint Georges - 18 septembre 2021 - Un anniversaire coïncidant avec les traditionnelles Journées du Patrimoine : les 3 bêtes de concours sont côte à côte : la rame 16 (380 km/h le 26 février 1981), la rame 325 (482,4 km/h le 5 décembre 1989 et 515,3 km/h le 18 mai 1990) et la rame 4402, titulaire toujours pas détrônée avec 574,8 km/h le 3 avril 2007. (cliché SNCF)
Au cours des Journées du Patrimoine, les manifestations pour les 40 ans du TGV (au demeurant plutôt modestes), ont permis au grand public de découvrir la maquette grandeur nature du nouveau nez, plus profilé, de la nouvelle génération de rames. © transportrail
Les premières esquisses de sièges. A gauche, la seconde classe semble marquer un recul vers une prestation assez proche des actuels Ouigo. A droite, la première classe se veut un peu plus cossue, mais avec une apparence moindre (notamment la tablette et les accoudoirs) que les actuelles rames Océane. Mais ce ne sont que des prototypes. © transportrail
La grande vitesse ferroviaire en France, c’est aussi quand même un paradoxe : au prix de la minute gagnée, la situation de nombreuses gares tête de ligne, à Paris (sauf à la gare du Nord) mais aussi les nœuds ferroviaires des grandes métropoles ont été insuffisamment adaptés à l’évolution des performances du matériel roulant : tant de gares sont encore limitées à 30 ou 40 km/h sur plusieurs centaines de mètres, voire plusieurs kilomètres, du fait de plans de voie obsolètes ou – pire – renouvelés à l’identique.
Il y a aussi une question territoriale, qui a émaillé ces 40 années : si la technique du TGV lui permet de desservir des villes au-delà des infrastructures nouvelles, le principe « avion sur rails » n’a pas profité aux territoires qui ne sont que traversés par ces lignes. Symbole : des gares nouvelles situées parfois à portée de main d’infrastructures existantes en activité, mais sans connexion (Le Creusot, Mâcon, Vendôme, Haute Picardie, Louvigny).
Et naturellement, ce débat entre les moyens alloués au développement du réseau à grande vitesse et ceux destinés au réseau préexistant : la consistance du maillage en a été affecté, la performance aussi, et comme les petits ruisseaux qui font les grandes rivières, la dynamique économique de la grande vitesse ferroviaire en France suppose indiscutablement des correspondances de qualité y compris hors des grands pôles urbains.
A l’heure où l’Etat semble prendre le contrepied de sa propre position de juillet 2017 en multipliant les annonces sur de nouveaux grands projets, il serait utile de tirer les leçons du passé car au fil du temps, l’insuffisance de financement du réseau ferroviaire remonte des lignes de desserte fine du territoire vers des lignes de moins en moins anodines...